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La chanson de la cigale
13 septembre 2020

UNE FEMME LIBRE - UNA MUJER LIBRE

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Gisèle Halimi  est décédée ce 28 juillet après une vie vouée principalement aux luttes féministes, ainsi qu’à une défense acharnée de la justice et de la liberté.

Elle était née en 1927, à La Goulette, en Tunisie d’une mère séfarade et d’un père d’origine berbère. La vie, et les combats, de Gisèle Halimi, dont je vais essayer de dresser les grandes lignes, est une véritable chanson de geste du XXe siècle.

À l’âge de 10 ans, elle entre en rébellion contre ses parents qui l’obligent, comme fille, à être au service de ses frères. Elle commence une grève de la faim et obtient gain de cause.

Elle s’insurge, quelques années plus tard, contre le projet de la marier à un homme riche 20 ans plus âgé qu’elle. Elle voit son avenir d’une toute autre manière.

Cet avenir, elle le prendra en main quand, toute jeune, elle s’envole vers Paris pour faire des études de droit et de philosophie.

Vers la fin des années 50, Gisèle Halimi défend des militants de FLN algérien, dont Djamila Boupacha, torturée et violée par des militaires français.

Elle obtient, dans ce combat, car il s’agit bien plus que d’un procès, le soutien de personnalités de l’envergure de Pablo Picasso, qui dessine le portrait de Djamila, et, surtout, de Simone de Beauvoir qui écrit dans Le Monde un article dénonçant les atteintes aux droits de l’homme commises en Algérie par l’armée française.

En 1971, Gisèle Halimi est la seule avocate signataire du Manifeste des 343 salopes, réunissant des femmes dont Simone de Beauvoir, Catherine Deneuve, Brigitte Fontaine, Ariane Mnouchkine et Françoise Sagan, qui avouent avoir avorté et demandent le libre accès à la contraconception et à l’interruption de la grossesse.

Ce manifeste, paru dans le Nouvel Observateur, commençait ainsi :

« Un million de femmes se font avorter chaque année en France.

Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples.

On fait le silence sur ces millions de femmes.

Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare avoir avorté.

De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l'avortement libre. »

L’avortement étant puni par la loi, ces femmes risquaient donc d’être traduites en justice, à plus forte raison une avocate comme Halimi.

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Un an plus tard, un nouvel haut fait de cette chanson de geste, le procès de Bobigny, durant lequel elle défend une jeune fille de 16 ans, Marie-Claire Chevalier, ayant avorté suite à un viol, sa mère et trois autres femmes inculpées d’avoir participé à l’avortement.

Gisèle Halimi a le talent de faire de ce procès un procès politique et médiatique. Elle présente comme témoins des personnalités de tout bord, les Prix Nobel Jacques Monod et François Jacob, les actrices Delphine Seyrig et Françoise Fabian, les écrivains Simone de Beauvoir et Aimé Césaire et même un médecin catholique fervent, le professeur Paul Milliez qui assure que devant une telle situation, il n’aurait pas eu d’autre issue que l’avortement.

Elle obtient alors l’acquittement des accusées.

Ce procès est le premier pas d’un combat qui mènera, en 1975, à la loi Veil sur l’interruption volontaire de la grossesse.

Elle mène cette stratégie de défense médiatisée dans un autre procès, celui de deux jeunes femmes violées, en 1978 et cela conduira à une nouvelle loi sur le viol qui le considère un crime, alors que jusque-là la loi française le considérait un simple délit.

On retrouve cette vie engagée dans Une farouche liberté,  la longue interview que lui consacra Anick Cojean, que je viens de lire.

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« Sa silhouette est frêle désormais, et son beau visage émacié. Mais le regard garde sa flamboyance et la voix conserve la force soyeuse qui a frappé tant de prétoires. Elle se souvient et elle raconte. Avec entrain et générosité. Ravie que des ferments de révolte se multiplient de par le monde. Heureuse que le mot « féminisme » soit en pleine renaissance. Confiante dans la capacité des femmes à innover et puiser de la force dans leur parcours d’opprimées. La révolte intacte », nous dit la journaliste dans son introduction.

Tout d’abord, l’enfance en Tunisie.

« J’étais toute petite quand on m’a raconté l’histoire de ma naissance et le désespoir de mon père à l’annonce que sa femme venait d’accoucher d’une fille. Un désespoir si puissant qu’il a nié mon arrivée pendant près de trois semaines. Aux amis qui venaient aux nouvelles, il affirmait : « Non, Fritna n’a pas encore accouché. » Certains s’étonnaient : « Voyons, pas encore ? » Mais Édouard persistait : « Non, toujours pas. Bientôt, bientôt… » Il ne parvenait pas à se faire à cette catastrophe – une descendance féminine –, lui qui, pourtant, avait déjà un fils aîné. Ce récit mille fois relayé en famille a résonné dans tout mon être comme un glas : j’étais née du mauvais côté. Mais c’était aussi un appel au sursaut et à l’insoumission. Oui, la révolte s’est levée très tôt en moi. Dure, violente. Mes engagements ultérieurs en sont directement le fruit. La blessure de l’injustice m’a donné une force fabuleuse, parce que désespérée. »

C’est cette force, née du désespoir et de l’injustice qui lui donnera le courage de risquer sa vie pour défendre Djamila Boupacha et faire ainsi le jour sur les exactions de l’armée française en Algérie.

« Djamila Boupacha représentait tout ce que je voulais défendre. Son dossier était même, dirais-je, un parfait condensé des combats qui m’importaient : la lutte contre la torture, la dénonciation du viol, le soutien à l’indépendance et au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la solidarité avec les femmes engagées dans l’action publique et l’avenir de leur pays, la défense d’une certaine conception de la justice, et enfin mon féminisme. Tout était réuni ! Le cas était exemplaire.

 

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La première fois que je l’ai vue dans la prison de Barberousse à Alger, elle boitait, elle avait les côtes brisées, les seins et la cuisse brûlés par des cigarettes. On l’avait atrocement torturée pendant trente-trois jours, on l’avait violée en utilisant une bouteille, lui faisant perdre ainsi une virginité à laquelle cette musulmane de 22 ans, très pratiquante, tenait plus qu’à sa vie. Elle avait pourtant reconnu les faits dont on l’accusait : agent de liaison du FLN, elle avait déposé un obus piégé dans un café d’Alger le 27 septembre 1959, engin qui avait été désamorcé à temps et n’avait donc provoqué ni victimes ni dégâts. Pourquoi s’était-on acharné sur elle ? Massu voulait qu’elle parle, qu’elle livre des réseaux de militants, qu’elle dénonce ses « frères ». Elle ne l’avait pas fait. Il fallait donc urgemment sauver cette jeune fille qui risquait la peine de mort. Il fallait dénoncer les sévices qu’elle avait subis et porter plainte en tortures pour que ses bourreaux soient punis. Il fallait en faire le symbole, aux yeux du monde entier, des ignominies commises par la France. »

Par rapport au viol, qu’elle qualifie d’acte de fascisme ordinaire, voici ce que nous en dit Gisèle Halimi :

« Le viol est comme une mort inoculée aux femmes un jour de violence. Elle coexiste avec leur vie en une sorte de parallélisme angoissant. C’est ce que nous avaient expliqué Anne et Araceli (les deux femmes violées qu’elle défend en 1978) lorsqu’elles avaient passé quelques jours à la maison. On avait parlé longuement pour préparer le procès. Et c’est en cuisinant, mangeant, discutant que leur vérité s’était exprimée peu à peu : ce sentiment d’être des « mortes-vivantes ». La mère d’Anne l’avait confirmé au tribunal, racontant les avoir retrouvées « tapies, dans le fond de leur chambre d’hôpital, telles des petites bêtes terrorisées ». Mais cela n’a pas empêché les attaques, les mensonges, et une véritable inquisition pour vérifier à quel point elles s’étaient débattues. Là encore une constante dans tous les procès pour viol. « Mais que voulez-vous de plus ? ai-je lancé un jour au tribunal, excédée. Une femme violée n’est honorable que morte ? Morte de s’être débattue ? Sa crédibilité se paye forcément de sa mort ? »(…)

Les trois accusés ont été lourdement condamnés. Nous avons publié les débats du procès et Choisir la cause des femmes, mon association, s’est attelée à élaborer un nouveau texte de loi. Dès le lendemain du verdict, des propositions de loi étaient déposées sur le bureau du Sénat, prouvant que le procès d’Aix avait secoué l’opinion. La loi du 23 décembre 1980 remaniera la définition du viol qui inclura désormais toutes les agressions sexuelles, y compris celles qui n’étaient autrefois considérées que comme des « attentats à la pudeur ». Seules ses victimes pourraient demander le prononcé du huis clos. Les associations de défense des droits des femmes, comme Choisir, pourraient se porter partie civile aux côtés des femmes violées. C’était une avancée incontestable.»

Quant au procès de Bobigny :

« J’ai clairement expliqué mon plan à la jeune fille et à sa mère, poinçonneuse du métro, lucide, méritante, volontaire. Quelque chose de fondamental allait se jouer dans ce tribunal de banlieue où elles étaient assignées. Les accusées ne chercheraient aucunement à nier les faits. Au contraire. Elles les reconnaîtraient, ne s’en excuseraient pas, ne les regretteraient pas. Et d’accusées, elles se feraient accusatrices de la loi de 1920 sanctionnant l’avortement. Choisir prendrait en charge le procès.

 

J’ai voulu de grands témoins. Simone de Beauvoir, bien sûr. Michel Rocard, Aimé Césaire. Delphine Seyrig, Françoise Fabian. Mais aussi le professeur Jacques Monod, prix Nobel de médecine qui a tout de suite donné son accord. Son confrère et colauréat du Nobel, le professeur François Jacob, également. Le soutien du professeur Paul Milliez, catholique fervent, était plus compliqué à obtenir. Lorsque je vais le voir, il me déclare d’emblée : « Je suis contre l’avortement. » Alors je ramasse mes affaires : « Dans ces conditions, je ne peux pas vous demander de venir témoigner. » Mais il me rattrape par le manteau au moment où j’ouvre la porte pour repartir. Son visage tourmenté trahit une lutte intérieure. « Restez. Cette affaire est injuste, insupportable. Je ne peux pas l’ignorer, je ne peux pas me dérober. J’irai témoigner à Bobigny. » Je comprends l’effort qu’il fait, sa tension, ses scrupules. Je précise : « Je vous demanderai publiquement, à la barre : “Si Marie-Claire était venue vous consulter, qu’auriez-vous fait ?” » Il me regarde bien en face : « Je l’aurais avortée. » C’est ainsi qu’il est devenu mon témoin capital. J’en étais bouleversée car je mesurais sa déchirure. »

En 2020, le diagnostic de Gisèle Halimi n’était pas trop optimiste :

« J’attends qu’elles fassent la révolution. Je n’arrive pas à comprendre, en fait, qu’elle n’ait pas déjà eu lieu. Des colères se sont exprimées, des révoltes ont éclaté çà et là, suivies d’avancées pour les droits des femmes. Mais nous sommes encore si loin du compte. Il nous faut une révolution des mœurs, des esprits, des mentalités. Un changement radical dans les rapports humains, fondés depuis des millénaires sur le patriarcat : domination des hommes, soumission des femmes. Car ce système n’est plus acceptable. Il est même devenu grotesque. Pendant longtemps, la soi-disant incompétence des femmes a servi à justifier leur exclusion des lieux de pouvoir et de responsabilité. Forcément, une femme instruite étant réputée dangereuse, on s’arrangeait pour les priver d’instruction ou d’accès aux meilleures écoles. Mais c’est terminé. Au moins dans les sociétés occidentales. Les femmes y sont désormais éduquées et brillent dans les études supérieures, davantage même que les hommes. Personne n’oserait plus prétendre qu’elles ne sont pas aussi compétentes qu’eux. Elles ont, au moins en théorie, accès à toutes les plus hautes fonctions. Elles peuvent construire des viaducs, diriger une centrale nucléaire, piloter un avion de chasse, présider une cour d’assises, administrer une banque ou un pays. Et pourtant… »

Et pourtant, naître femme, y compris dans les pays les plus développés, est encore le plus souvent, naître du mauvais côté. 

Car on se demande encore, lorsqu’une femme est violée, si elle ne portait pas un jean trop moulant, une jupe trop courte…

Ce même viol est, encore et toujours, une arme de guerre, aussi bien au Kosovo qu’en République Démocratique du Congo.

Dans le travail, avec le même diplôme et les mêmes responsabilités, le salaire des femmes est généralement moins élevé que celui des hommes.

Écoutons donc la voix inspirante de Gisèle Halimi pour ainsi « casser ce système. Déciller les yeux. Obliger chacun à regarder le monde tel qu’il est et non tel qu’il nous est raconté dans un narratif fallacieux, destiné à faire croire à une harmonie complémentaire entre les sexes. Ça suffit, la fiction ! »

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Gisèle Halimi  falleció este 28 de julio tras una vida dedicada principalmente a la luchas feministas, así como a una defensa encarnizada de la justicia y la libertad.

Había nacido en 1927 en La Goulette, Túnez, de una madre sefaradí y un padre de origen berebere. La vida y los combates de Gisèle Halimi, cuyas grande líneas voy a tratar de trazar, es una verdadera canción de gesta del siglo XX.

A los 10 años entra en rebelión contra sus padres que la obligan, siendo niña, a estar al servicio de sus hermanos. Comienza una huelga de hambre y se sale con la suya.

Se opone, algunos años más tarde, al proyecto de casarla con un hombre rico 20 años mayor que ella. Ve su porvenir de una manera muy distinta.

Tendrá en sus manos este porvenir cuando, muy joven, vuela hacia París para estudiar derecho y filosofía.

A fines de los años 50, Gisèle Halimi defiende a militantes del FLN argelino, entre los cuales a  Djamila Boupacha, torturada y violada por militares franceses.

Obtiene, en este combate, ya que se trata mucho más que de un juicio, el apoyo de personalidades de la envergadura de Pablo Picasso, quien dibuja el retrato de Djamila, y, sobre todo, de Simone de Beauvoir quien escribe en Le Monde un artículo que denuncia los ataques a los derechos humanos cometidos en Argelia por el ejército francés.

En 1971, Gisèle Halimi es la única abogada que firma el Manifiesto de las 343 putas, que reúne a mujeres como Simone de Beauvoir, Catherine Deneuve, Brigitte Fontaine, Ariane Mnouchkine y Françoise Sagan, que confiesan haber abortado y piden el libre acceso a la anticoncepción y a la interrupción del embarazo.  

Este manifiesto publicado en la revista Le Nouvel Observateur, comenzaba así:

« Un millón de mujeres se hace abortar cada año en Francia.

Lo hacen en condiciones peligrosas en razón de la clandestinidada la que están condenadas, cuando esta operación,  practicada bajo control médico, es de las más simples.

Se hace silencio sobre estos millones de mujeres.

Declaro que soy una de ellas. Declaro haber abortado.

De la misma manera que reclamamos un libre acceso a los métodos anticonceptivos, reclamamos el aborto libre

Siendo el aborto castigado por la ley, estas mujeres corrían el riesgo de ser llevadas ante la justicia, mucho más todavía una abogada como Halimi.

Un año más tarde uun nuevo hecho saliente en esta canción de gesta, el juicio  de Bobigny, durante el que defiende a una joven de 16 años,  Marie-Claire Chevalier, que había abortado después de una violación, su madre y otras tres mujeres acusadas de haber participado en el aborto.

Gisèle Halimi tiene el talento de hacer de este juicio un juicio político y mediático. Presenta como testigos a personalidades de todo tipo, los Premios Nobel Jacques Monod y François Jacob, las actrices Delphine Seyrig y Françoise Fabian, los escritores Simone de Beauvoir y Aimé Césaire y aún un médico ferviente católico,   el profesor Paul Milliez quien asegura que ante una situación tal no habría tenido otra salida que el aborto.

Obtiene entonces la absolución de las acusadas.

Este juicio es el primer paso de un combate que llevará, en 1975, a la ley Veil sobre la interrupción voluntaria del embarazo.  

Lleva esta misma estrategia de defensa mediatizada en otro juicio, el de dos jóvenes violadas, en 1978, y esto llevará a una nueva ley sobre la violación que lo considera un crimen, cuando hasta entonces la ley francesa lo consideraba un  simple delito.

Encontramos esta vida comprometida en Une farouche liberté (Una feroz libertad),  la larga entrevista que le consagró Anick Cojean, que acabo de leer.

« Su silueta es frágil ahora, y su bello rostro demacrado. Pero la mirada conserva su brillo y la voz la fuerza sedosa que resonó en tantos tribunales. Recuerda y cuenta. Con ánimo y generosidad. Encantada con que los fermentos de revuelta se multipliquen por el mundo. Feliz de que la palabra   “feminismo” esté en pleno renacimiento.  Con confianza en la  capacidad de las mujeres para innovar y sacar fuerzas de su existencia de oprimidas. Con la rebelión intacta », nos dice la periodista en su introducción.

En primer término, la infancia en Túnez:

« Era muy chiquita cuando me contaron la historia de mi nacimiento y la desesperación de mi padre al saber que su mujer acababa de dar a luz a una niña. Una desesperación tan fuerte que negó mi llegada durante cerca de tres semanas. A los amigos que llegaban por novedades, afirmaba: “No, Fritna aún no dio a luz”. Algunos se asombraban: “Vamos, ¿todavía no?” Pero Édouard insistía: “No, todavía no. Pronto, pronto…” No lograba acostumbrarse a esta catástrofe –una descendencia femenina- él que, sin embargo, ya tenía un hijo mayor. Este relato mil veces repetido en la familia, resonó en todo m ser como un tañido fúnebre: había nacido del lado equivocado. Pero era también un llamado al sobresalto y a la insumisión.  Sí, la rebelión nació muy temprano en mí. Dura, violenta. Mis compromisos posteriores son directamente su fruto. La herida de la injusticia me dio una fuerza fabulosa porque desesperada. »

Es esa fuerza, nacida de la desesperación y la injusticia, que le dará el coraje de arriesgar su vida para defender a  Djamila Boupacha y así hacer la luz sobre las exacciones del ejército francés en Argelia.

« Djamila Boupacha representaba todo lo que yo quería defender. Su expediente era también, diría, un perfecto resumen de los combates que me importaban: la lucha contra la tortura, la denuncia de la violación, el apoyo a la independencia y al derecho de los pueblos de disponer de sí mismos, la solidaridad con las mujeres comprometidas en la acción pública y el porvenir de su  país, la defensa de una cierta concepción de la justicia, y por fin, mi feminismo. Estaba todo reunido. El caso era ejemplar.

 

La primera vez que la vi en la prisión de Barberousse en Argel, rengueaba, tenía las costillas rotas, los senos y las nalgas quemados por cigarrillos. La habían torturado atrozmente durante treinta y tres días, la había violado usando una botella, haciéndole perder así una virginidad que le importaba, a esta musulmana de 22 años, muy  practicante, más que su vida. Había reconocido, sin embargo, los hechos de los que la acusaban: agente de unión del FLN, había dejado un obús explosivo en un café de Argel, el 27 de septiembre de 1959, aparato que había sido desactivado a tiempo y que entonces no había provocado ni víctimas ni daños. ¿Por qué se encarnizaron con ella? Massu quería que hablara, que librara redes de militantes, que denunciara a sus “hermanos”. No lo había hecho. Era entonces urgentemente necesario salvar a esta joven de la pena de muerte. Había que denunciar los malos tratos que había sufrido y denunciar las torturas para que los verdugos fueran castigados. Había que hacer con ella el símbolo ante los ojos del mundo entero de las ignominias cometidas por Francia

Con respecto a la violación, que califica de acto de fascismo ordinario, esto es lo que nos dice Gisèle Halimi:

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« La violación es como una muerte  inoculada a las mujeres un día de violencia. Coexiste con su vida en una suerte de paralelismo angustiante. Es lo que nos habían explicado Anne y Araceli (las dos mujeres violadas que defiende en 1978) cuando pasaron unos días en casa. Hablamos mucho para preparar el juicio. Cocinando, comiendo, charlando, su verdad se expresó poco a poco: la sensación de ser “muertas vivas”. La madre de Anne lo había confirmado en el tribunal, contando que las había encontrado agazapadas en el fondo de su habitación de hospital, como animalitos aterrorizados. Pero esto no impidió los ataques, las mentiras, y una verdadera inquisición para verificar hasta qué  punto se habían debatido. Esta también es una constante en todos los juicios por violación. « ¿Pero qué más quieren? lancé un día al tribunal, excedida. ¿Una mujer violada solo es honorable muerta? ¿Muerta por haberse defendido? ¿Su credibilidad se aga indefectiblemente con su muerte? »(…)

Los tres acusados fueron pesadamente condenados. Publicamos los debates del juicio y Choisir la cause des femmes (Elegir la causa de las mujeres), mi asociación, se abocó a elaborar un nuevo texto de ley. Al día siguiente al veredicto, depositaron propuestas de ley en la oficina del Senado, lo que prueba que el juicio de Aix había sacudido a la opinión. La ley del 23 de diciembre  de 1980 reformulará la definición de violación que incluirá todas las agresiones sexuales, aún aquellas consideradas otrora como “atentados al  pudor” Sólo las víctimas  podrían solicitar que se hiciera a puertas cerradas. Las asociaciones de defensa de los derechos de la mujer, como Choisir, podrían ser parte civil junto a las mujeres violadas. Era un adelanto incuestionable

En cuanto al juicio de Bobigny :

Expliqué claramente mi plan a la joven y a su madre, guarda en el metro, lúcida, merecedora, voluntariosa. Algo fundamental iba a jugarse en ese tribunal suburbano que les había tocado en suerte. Las acusadas no trataban de ninguna manera de negar los hechos. Por el contrario.  Reconocerían, no se disculparían, no lo lamentarían. Y de acusadas, se volverían acusadoras de la ley de 1920 que sancionaba al aborto.  Choisir tomaría a su cargo el juicio.

 

Quise tener grandes testigos. Simone de Beauvoir, por supuesto. Michel Rocard, Aimé Césaire. Delphine Seyrig, Françoise Fabian. Pero también el profesor Jacques Monod, premio Nobel de medicina que enseguida dio su acuerdo. Su colega también premio Nobel, el profesor François Jacob, igualmente. El apoyo del profesor Paul Milliez, católico ferviente, era más complicado de obtener. Cuando voy a verlo, me declara de entrada: “Estoy contra el aborto”. Levanto entonces mis cosas: “En esas condiciones, no puedo pedirle que venga a declarar.” Pero me agarra del tapado en el momento en que abro la puerta para irme. Su rostro atormentado muestra una lucha interior.  “Quédese. Este caso es injusto, insoportable. No puedo ignorarlo, no puedo sustraerme. Iré a declarar a Bobigny.”  Comprendo el esfuerzo quee hace, su tensión, sus escrúpulos. Le digo: “Le preguntaré  públicamente, en el juicio: “Si Marie-Claire hubiese venido a consultarlo, ¿quué habría hecho?” » Me mira a los ojos: “La habría abortado” Se volvió así mi testigo capital. Estaba conmocionada ya que medía su desgarro

En 2020, el diagnóstico de Gisèle Halimi no es demasiado optimista.

« Espero que hagan la revolución. No llego a entender, de hecho, por qué ya no tuvo lugar. Se han expresado cóleras, estallaron revueltas aquí y allá seguidas por avances en los derechos de las mujeres.  Pero aún estamos tan lejos de la meta. Necesitamos una revolución de las costumbres, de los espíritus, de las mentalidades. Un cambio radical en las relaciones humanas, fundadas desde hace milenios en el patriarcado: dominación de los hombres, sumisión de las mujeres. Este sistema ya no es  aceptable. Se ha vuelto aún grotesco. Durante mucho tiempo, la supuesta incompetencia de las mujeres sirvió para justificar su exclusión de los lugares de poder y de responsabilidad. Al ser evidentemente peligrosa una mujer instruida, se las arreglaban para privarlas de instrucción o de acceso a las mejores escuelas. Pero eso terminó. Por lo menos en las sociedades occidentales. Las mujeres son educadas y brillan en los estudios superiores, aún más que los hombres. Ya nadie se atrevería a pretender que no son tan  competentes como ellos. Tienen, por lo menos en teoría, acceso a las más altas funciones. Pueden construir viaductos, dirigir una central nuclear, pilotear un avión de caza, presidir un tribunal, administrar un banco o un país. Y sin embargo… »

Y sin embargo, nacer mujer, aún en los países más desarrollados, es todavía lo más a menudo, nacer del lado equivocado.   

Ya que aún se preguntan, cuando una mujer es violada, si no llevaba un jean demasiado ajustado, una falda demasiado corta…

Esa misma violación es, aún y siempre, un arma de guerra, tanto en Kosovo como en la República Democrática del Congo.

El el trabajo, con el mismo título y las mismas responsabilidades, el salario de las mujeres es generalmente menos elevado que el de los hombres.

Escuchemos entonces la voz inspiradora de Gisèle Halimi para así “romper el sistema. Abrir los ojos. Obligar a todos a mirar al mundo tal como es y no tal como nos lo cuentan en una narración falaz, destinada a hacer creer en una armonía complementaria entre los sexos. ¡Terminemos con la ficción! »

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