POÈMES CONFINÉS – 3 – POEMAS CONFINADOS
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ – VICTOR HUGO
Ma grand-mère récitait parfois un poème, La conscience, dont le dernier vers me subjuguait, « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn.
Ce fut mon premier contact avec Victor Hugo.
Cet immense poète, romancier, homme politique n’a cessé de m’éclairer durant toute ma vie.
Liberté, égalité, fraternité
Depuis six mille ans la guerre
Plaît aux peuples querelleurs,
Et Dieu perd son temps à faire
Les étoiles et les fleurs.
Les conseils du ciel immense,
Du lys pur, du nid doré,
N'ôtent aucune démence
Du coeur de l'homme effaré.
Les carnages, les victoires,
Voilà notre grand amour;
Et les multitudes noires
Ont pour grelot le tambour.
La gloire, sous ses chimères
Et sous ses chars triomphants,
Met toutes les pauvres mères
Et tous les petits enfants.
Notre bonheur est farouche;
C'est de dire : Allons ! mourons !
Et c'est d'avoir à la bouche
La salive des clairons.
L'acier luit, les bivouacs fument;
Pâles, nous nous déchaînons;
Les sombres âmes s'allument
Aux lumières des canons.
Et cela pour des altesses
Qui, vous à peine enterrés,
Se feront des politesses
Pendant que vous pourrirez,
Et que, dans le champ funeste,
Les chacals et les oiseaux,
Hideux, iront voir s'il reste
De la chair après vos os !
Aucun peuple ne tolère
Qu'un autre vive à côté;
Et l'on souffle la colère
Dans notre imbécillité.
C'est un Russe ! Egorge, assomme.
Un Croate ! Feu roulant.
C'est juste. Pourquoi cet homme
Avait-il un habit blanc ?
Celui-ci, je le supprime
Et m'en vais, le coeur serein,
Puisqu'il a commis le crime
De naître à droite du Rhin.
Rosbach, Waterloo ! Vengeance !
L'homme, ivre d'un affreux bruit,
N'a plus d'autre intelligence
Que le massacre et la nuit.
On pourrait boire aux fontaines,
Prier dans l'ombre à genoux,
Aimer, songer sous les chênes;
Tuer son frère est plus doux.
On se hache, on se harponne,
On court par monts et par vaux;
L'épouvante se cramponne
Du poing aux crins des chevaux.
Et l'aube est là sur la plaine !
Oh! j'admire, en vérité,
Qu'on puisse avoir de la haine
Quand l'alouette a chanté.
(Les chansons des rues et des bois)
Ce même Victor Hugo qui écrivit ces mots qui pourraient nous inspirer dans ces temps placés sous le signe d’un individualisme meurtrier.
« La formule républicaine a su admirablement ce qu'elle disait et ce qu'elle faisait; la gradation est irréprochable. Liberté, Égalité, Fraternité. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce sont là les trois marches du perron suprême. La liberté, c'est le droit, l'égalité, c'est le fait, la fraternité, c'est le devoir. Tout l'homme est là...
Les heureux doivent avoir pour malheur les malheureux; l'égoïsme social est un commencement de sépulcre; voulons nous vivre, mêlons nos cœurs, et soyons l'immense genre humain...
Tout ce qui souffre accuse, tout ce qui pleure dans l'individu saigne dans la société, personne n'est tout seul, toutes les fibres vivantes travaillent ensemble et se confondent, les petits doivent être sacrés aux grands, et c'est du droit de tous les faibles que se compose le devoir de tous les forts. J'ai dit. »
Le droit et la loi. 1875
Mi abuela recitaba a veces un poema, La conciencia, cuyo último verso me subyugaba, « El ojo estaba en la tumba y miraba a Caín ».
Fue mi primer contacto con Ce fut Victor Hugo.
Este inmenso poeta, novelista, hombre político, no dejado de iluminarme durante toda mi vida. Cet
Libertad, igualdad, fraternidad
Hace seis mil años que la guerra
Gusta a los pueblos pendencieros,
Y Dios pierde su tiempo haciendo
Las estrellas y las flores.
Los consejos del cielo inmenso,
Del lirio puro, del nido dorado,
No quitan demencia alguna
Del corazón del hombre estupefacto.
Las carnicerías, las victorias,
He aquí nuestro gran amor;
Y las multitudes negras
Como cascabel tienen el tambor.
La gloria, bajo sus quimeras
Y bajo sus carros triunfales,
Pone a todas las pobres madres
Y a todos los niños pequeños.
Nuestra felicidad es feroz;
Es decir: ¡Vamos! ¡Muramos!
Y es tener en la boca
La saliva de los clarines.
El acero brilla, los vivaques ahúman;
Pálidos, nos desencadenamos;
Las almas sombrías se encienden
A la luz de los cañones.
Y todo esto para unas altezas
Que apenas después de enterrarnos,
Se hacen cortesías
Mientras que nos pudrimos,
Y que, en el campo funesto,
Los chacales y los pájaros,
Horrendos, irán a ver si queda
¡Carne sobre nuestros huesos!
Ningún pueblo tolera
Que otro viva a su lado;
Y soplan la cólera
Sobre nuestra imbecilidad.
¡Es un ruso! Degollá, desnucá.
¡Un croata! Fuego cruzado.
Es justo. ¿Porqué tenía este hombre
Un traje blanco ?
A este lo suprimo
Y me voy con el corazón sereno,
Ya que cometió el crimen
De nacer a la derecha del Rin.
¡Rosbach, Waterloo! ¡Venganza!
El hombre, ebrio de un ruido espantoso,
Sólo tiene como inteligencia
La masacre y la noche.
Podríamos beber de las fuentes,
Orar de rodillas en la sombra,
Amar, soñar bajo los robles;
Matar al hermano es más dulce.
Nos hachamos, nos arponeamos,
Corremos por montes y valles;
El espanto se agarra
Con los puños a las crines de los caballos.
¡Y el alba llegó a la llanura!
¡O! me asombro, de verdad,
Que se pueda tener odio
Cuando ha cantado la alondra.
Este mismo Victor Hugo que escribió estas palabras que podrían inspirarnos en estos tiempos puestos bajo el signo de un individualismo asesino.
« La fórmula republicana supo admirablemente lo que decía y lo que hacía ; la graduación es irreprochable. Libertad, Igualdad, Fraternidad. Nada que agregar, nada que cortar. Son los tres peldaños del umbral supremo. La libertad, es el derecho, la igualdad, es el hecho, la fraternidad, es el deber. Todo el hombre está allí…
Los afortunados deben tener como desgracia a los desdichados; el egoísmo social es un comienzo de sepulcro; queramos vivir, mezclemos nuestros corazones y seamos el inmenso género humano…
Todo lo que sufre acusa, todo lo que llora en el individuo sangra en la sociedad, nadie está solo, todas las fibras vivas trabajan juntas y se confunden, los pequeños deben ser sagrados para los grandes, y es con el derecho de todos los débiles que se compone el deber de todos los fuertes. He dicho. »
El derecho y la ley. 1875